Balades à dos d’éléphants en Thaïlande, spectacles de dauphins dans les parcs aquatiques, charmeurs de serpents sur la place Jema El Fnaa. L’expérience animalière en voyage fait rêver et gonfle les likes sur les réseaux. En coulisses, la réalité est moins reluisante pour ces pauvres animaux exploités, torturés, condamnés. C’est l’envers du décor d’un tourisme animalier peu scrupuleux… mais très juteux.
Pourtant, dans nos articles, nos publications et notre podcast, nous avons à cœur de promouvoir le tourisme comme un vecteur de sensibilisation et de protection des cultures et de la nature.
Alors, pourquoi ne pas imaginer un écotourisme animalier à impact positif ?
C’est tout le combat que mène Aurélie Orengo-Berthet, conseillère en écotourisme animalier et fondatrice de l’agence Voyage Sauvage by Terres 2 Découvertes.
Nous l’avons rencontrée. Voici son combat.
“Bienvenue dans un monde à la fois sauvage et délicat…”
Le sommaire
Observation de la sieste d’un lion dans la savane ©Voyage Sauvage
« Du week-end au long séjour en France ou à l’étranger, tout est possible. Mettez tous vos sens en éveil pour savourer chaque instant. Regardez, sentez, écoutez, touchez, goûtez, aimez. »
« Et si on sauvait la planète en voyageant ? »
Que vous évoque le terme “tourisme durable” ? Réchauffement climatique, pollution plastique, technologie au service de l’environnement…
Aurélie nous invite à une autre approche… une approche par la nature, par et pour les animaux.
Le biomimétisme, c’est lorsque nos technologies s’inspirent de la nature dans la création de solutions climatiques.
« A chaque fois que l’on a inventé les plus belles solutions c’est parce que l’on s’est inspirés de la nature. Notre technologie ne peut régler tous les problèmes. C’est le milieu naturel qui détient la solution et pas nous ! »
Un exemple pour illustrer ?
Il est maintenant temps de vous montrer quelques exemples du parfait équilibre du monde animal.
L’ours est un fin amateur de saumons. En laissant sur les berges des rivières des morceaux de saumons, riches en oligo-éléments, cela contribue à enrichir les sols et donc à faire prospérer des écosystèmes entiers.
Dans ce magnifique parc naturel de l’Ouest américain, l’homme a chassé le loup jusqu’à sa disparition dans les années 1970. Sans prédateurs, les cervidés ont prospéré et mangé la végétation, entraînant alors la dégradation du parc. Il y a une vingtaine d’années, le loup a été réintroduit pour rétablir l’équilibre naturel du parc.
Que s’est-il passé ? La présence des loups a modifié le comportement des cervidés. Pour se protéger, ils ont recommencé à éviter les zones où ils sont les plus vulnérables. La végétation a alors pu repousser. Certains endroits sont même redevenus des forêts. En bref, l’équilibre que l’homme avait perturbé est revenu par lui-même.
Ces illustrations permettent de comprendre l’intérêt du biomimétisme. C’est la nature qui détient la solution, alors inspirons-nous d’elle !
« Il ne peut y avoir de tourisme durable sans prendre en compte la cause animale. On ne peut parler de climat sans prendre en compte la biodiversité. »
Avec la montée des eaux et la fonte des glaciers, le roi de la banquise est devenu le symbole de la faune en péril dans un environnement à la limite de sa viabilité.
Pour Aurélie, c’est en se rendant sur place pour rentrer en contact avec cet écosystème en perdition, que l’on se rend compte des conséquences du réchauffement climatique. C’est en effet dans ce milieu naturel que le réchauffement climatique est le plus visible.
« Le tourisme responsable est possible sur place. Il n’y a pas de rapport direct entre 15 jours de voyage et la fonte des glaces. Ce sont nos habitudes du quotidien qui en sont responsables. »
Le rétrécissement incessant du territoire de l’ours polaire le pousse à des comportements irrationnels : se rapprocher des habitations, fouiller dans les poubelles pour se nourrir. Cela amène alors les habitants à le chasser.
À Churchill, le tourisme a apporté une partie de la solution.
Un éco-tourisme animalier s’est en effet développé dans la capitale des ours polaires. Située sur les rives de la baie d’Hudson au Canada, c’est là-bas que se trouve le plus grand rassemblement d’ours polaires au monde, qui attendent le gel de la baie d’Hudson pour partir chasser les phoques avant l’arrivée de l’hiver. C’est l’endroit idéal pour l’observation des ours polaires.
Quel impact positif pour les ours ? Devant cette belle manne financière, les habitants se sont mis à protéger les ours pour que cet écotourisme animalier se pérennise. La chasse s’est alors arrêtée.
« Ce genre d’exemple permet de croire en l’écotourisme et en mon métier. Je pense que sans le tourisme il n’y aurait déjà plus d’ours polaires. »
Spectacle de dauphins dans un parc aquatique. Les dérives du tourisme animalier existent aussi près de chez nous ©Canva
Si le tourisme peut faire beaucoup de bien à la faune et à la flore, il peut aussi les mettre en danger. Alors, comment trouver l’équilibre ? Comment concilier tourisme et bien-être animal ?
Voici les conseils livrés par Aurélie :
Observation d’une famille d’éléphants avec ©Voyage Sauvage
« Nous croyons que le voyage peut être un vrai levier de conservation comme il a été fait au Costa Rica, Kenya, Ouganda. Mais s’il est mal appréhendé, il peut aussi être un outil de destruction. »
Toujours accompagnés par des spécialistes de l’écotourisme animalier, les voyageurs de l’agence et les professionnels apprennent beaucoup.
Pour Aurélie, un écotourisme animalier réussi agit sur deux niveaux :
Pourquoi ne faut-il pas monter sur les éléphants ? Parce que pour faire de ces immenses animaux des êtres dociles, ils sont torturés dès leur plus jeune âge et tout au long de leur vie.
Pourquoi ne faut-il pas monter sur des ânes ? Parce que leur morphologie n’est pas faite pour porter des humains. En revanche, ils peuvent porter une certaine charge bien équilibrée sur les deux côtés.
Comment arrêter ces pratiques si nous ne connaissons pas leurs dérives ? C’est là tout l’enjeu de Voyage Sauvage et de son équipe : expliquer la triste réalité sans pour autant fustiger les touristes.
La connaissance est la première étape pour éviter les pratiques néfastes et faire du tourisme un élément vertueux pour la protection des animaux.
Partir de la problématique, c’est construire le voyage là où le tourisme met en péril la faune sauvage.
Le Maroc n’est pas la 1ère destination qui nous vient à l’esprit à l’évocation du mot “écotourisme animalier”.
En effet, le pays est confronté à 2 enjeux principaux : les singes et les serpents.
Sur la place Jemma El Fnaa à Marrakech, les singes capturés au plus jeune âge dans les forêts de cèdre de l’Atlas sont dressés violemment et utilisés jusqu’à la mort. Les serpents « charmés » sont capturés dans le désert, drogués, dressés. Parfois même, on va jusqu’à leur coudre la bouche.
« On nous a vendu pendant très longtemps le mythe du serpent danseur. Il n’en est rien. C’est un serpent apeuré, cherchant à s’échapper. Il finira souvent très jeune, cloué et dépecé vivant. »
Pour créer cet écotourisme vertueux, Aurélie a voulu savoir d’où viennent les singes de la place Jemma El Fnaa : des forêts de cèdres du Moyen Atlas, dans lesquelles l’écotourisme n’a pas (encore) été développé.
Si prendre le problème à la source permet de créer un cercle vertueux, alors la mise en (éco)tourisme des forêts de cèdre pourrait éviter l’utilisation des singes comme animaux de spectacle.
Si les touristes payaient pour observer les singes dans ces parcs, cela permettrait de les protéger. Personne ne voudrait abîmer une si belle source de revenus ! Cela aiderait, entre autres, à mieux lutter contre le braconnage et le rapt des singes en bas-âge.
Ainsi, le cas du Maroc n’est qu’un exemple. Pourtant, il nous donne une belle idée du cercle vertueux que peut créer le développement d’un éco-tourisme animalier… qui a encore un bel avenir devant lui. Du moins, c’est à espérer !
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